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Carine ou La jeune fille folle de son âme
Fernand Crommelynck

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Fernand Bertemes - Nevermore

Création 2023-2025 en cours ....

Avec le soutien du Théâtre des Roches et du Théâtre Public de Montreuil (CDN).

Note d'Intention

C'est le mariage de Carine et Frédéric. Après cinq ans d'attente, leur amour absolu et total est enfin célébré. Les invités sont réunis au château. On dit des amoureux qu'ils sont restés enfermés vingt quatre heures dans leur chambre nuptiale. Que se passe-t-il dans cette chambre ? Les allusions grivoises vont bon train, et les convives glosent. Soudain, la porte de la chambre s'ouvre, laissant s'échapper Frédéric qui doit s'absenter durant une heure. Carine se retrouve alors seule.

Orchestrée par le beau-père de Carine, s’enchaîne alors une immense mascarade, où les corps se prennent et s'échangent dans l'anonymat, où la sensualité et le désir physique règnent en maître reléguant l'âme au rang d'un simple fantoche, d'une encombrante inutilité. Comment Carine survivra-t-elle à cette découverte ? Son amour pour Frédéric y survivra-t-il ?

« J'ai mourru d'un cœur en cendre »

 

Carine ou la jeune fille folle de son âme emprunte au rêve, la suggestion, l'étrangeté et la composition symbolique. La possibilité d'une concrétisation poétique du réel, la confrontation entre l'amour absolu et l'érotisme sont passés au crible. Envisager un impossible passage de la discontinuité des êtres vers leur possible continuité ? Érotisme des âmes ou érotisme des corps ? Voici ce que questionnent les personnages de cette pièce.

« La poésie mène au même point que chaque forme de l'érotisme, à l'indistinction, à la confusion des objets distincts. Elle nous mène à l'éternité, elle nous mène à la mort, et par la mort à la continuité. » – George Bataille

 

Du point de vue de la mise en scène générale, à l'instar d'un film de David Lynch, je souhaiterais proposer un objet scénique introduisant dans la réalité concrète du texte, une part d'hallucination et de fantasme, d'inconnu et de familier afin de révéler la vie pulsionnelle et organique de Carine.

Le rôle de cette jeune première sera par ailleurs interprété par une comédienne d’environ cinquante ans afin de transposer cette expérience d’absolu et d’érotisme sur un plan plus politique : Décloisonner les rêves du matérialisme ambiant, trangresser par la force des idéaux, les renoncements de confort agréés par une structure sociale puritaine et désabusée. Mettre la narration et le texte au service de la construction d’un univers chimérique permet par ailleurs d'envisager une poésie concrète des images et de l'expérience sensible. Je souhaite l'aborder via un dialogue entre théâtre, chant et performance, inspirée en cela par les travaux de Carolee Schneeman, du Living-theatre, Meredith Monk et du Théâtre Pauvre de Grotowski.

La scénographie visera à démultiplier le corps de Carine dans l'espace scénique selon la division gnostique des trois états de l'être : matière, âme et esprit. Cette division symbolisera le parcours intime de Carine tout au long de son rêve et sera élaborée par la scénographe en collaboration avec le peintre Fernand Bertemes.

Par trois peintures spécialement créées pour ce spectacle, ainsi que par quelques objets représentant des parties de corps, nous entendons matérialiser les désirs du corps-esprit de Carine tiraillé entre profane et sacré, démembrement et unité. Ces objets d'arts seront manipulés par les acteurs tout au long de la performance afin de renforcer l'étrangeté de ce rêve tout en l'ancrant dans une supra-réalité poétique. Par ailleurs, en investissant la totalité de l'espace scénique, nous souhaitons mettre en exergue la tension existant entre onirisme et réalité, entre matière et esprit.

 

La musique fera l'objet d'une attention particulière en la création d'une bande originale de musique expérimentale. Le parcours musical devra représenter l'évolution de Carine tout au long de son rêve. Il viendra amplifier l'univers poétique de ce songe en proposant aux spectateurs une expérience sensorielle cohérente avec les différents éléments de la mise en scène. Un bestiaire de sons (corbeaux, chiens etc …) inspiré par la peinture de Fernand Bertemes sera notamment proposé afin de souligner le lien onirique et érotique entre l'animal et l'homme.

Les costumes seront pensés par rapport à l'érotisme. Le costume érotique participe de la mise en scène de son corps dans son désir esthétique d'être vu. Un soin tout particulier devra donc être attaché à ne révéler du corps que ce qui est indispensable au fantasme. Les costumes devront être modulables : sobrement décalés de manière à souligner l'étrangeté de ces êtres lorsqu'ils sont entièrement revêtus, tout en pouvant être fascinatoires et provocateurs dans les phases érotiques.

 

Le jeu masqué est un élément fondamental de cette création. Véritable outil de mise en scène du corps, parce qu'il révèle tout en cachant, le masque est une provocation érotique. Crommelynck dans l'élaboration de la mascarade suggère l'emploi de dominos. Car c'est en renforçant l'anonymat des participants, en les dépersonnalisant, que les corps se libèrent, se révèlent et trouvent dans l'érotisme une langue nouvelle. L'animalité du cauchemar sera elle aussi représentée par un masque via l'introduction de la Jument de Füssli.

 

« Dans l’ombre, plus mouvante que l’eau, rien que des corps sans tête, rien que des corps aveugles qui se cherchent et s’appréhendent avec un instinct plus sûr que l’orgueilleux amour. »

 

La direction d'acteur veillera à l'élaboration d'une partition physique nourrie et mise en chair par l'imaginaire et les émotions des acteurs. Cette partition sera tour à tour le support de l'action scénique, le témoin de leur évolution au cours de la pièce, le point d'appui de libération des énergies instinctives de chacun des comédiens. Sur cette base, nous chercherons à proposer un jeu proche de la performance, c'est à dire un jeu où l'état de corps du comédien donne au personnage sa réalité émotionnelle et énergétique. Ce jeu non psychologique mais résolument corporel, nous le pousserons jusqu'à la performance pure via la création de séquences symboliques et plastiques au service du texte et de l'acteur. Enfin, la sonorité du texte sera explorée via un travail sur le chant improvisé et sur le souffle. Donner à cette langue magnifique et poétique, de la plasticité et du relief, donnera au jeu de l 'organicité et débridera l'envol poétique, libératoire et créatif des acteurs.

 

Carine ou la jeune fille folle de son âme parût en 1929 mais n'en garde pas moins à mes yeux une actualité folle. Dans ce texte, aucune position ne semble tenable. L'absolu idéalisé de l'enfance ou le matérialisme désabusé de l'âge adulte ? De cette dualité apparente, quelque chose se dégage. Une tendresse incommensurable pour ces deux âges et ces deux mondes, une sensation unique d'être nous aussi pris dans un étau, celui de la terre et du ciel, de sentir notre cœur tiraillé entre ces deux mondes.

 

« Je te guérirai de ton âme »

 

Dans ce monde contemporain matérialiste et rationnel, il est devenu indécent de parler d'âme. Et pourtant ! Je veux croire que le cœur ou l' « âme » de Carine reflète celui de l'humanité entière avec ses victoires sans gloire, ses quêtes de l'impossible, son désir fou de s'élever loin des contingences terrestres. Le contexte politique tend à nous rendre oublieux de ces beautés là … Libérés de la morale, dans la recherche d'une esthétique savoureuse du bien et du mal, de l'idéal et du réel, charge à ce texte de réveiller l'âme poétique et aventureuse de chacun d'entre nous !

 

« Je veux les yeux au ciel demeurer présente, rester le témoin irrécusable de mes délices, être le cadavre et le meurtrier! »

 

 

 

 

Gabrielle F

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